Hors-série #4 : Shrek

Long-métrage d'animation assistée par ordinateur, Shrek est sorti en 2001 et est l’œuvre des studios Dreamworks créés par Steven Spielberg, Jeffrey Katzenberg et David Geffen. L'histoire du long-métrage est librement adaptée du conte de William Steig publié en 1990, Shrek!. Décrit comme plus laid que ses deux parents réunis, Shrek est la terreur du voisinage -partout où il passe, on s'évanouit. Une sorcière lui prédit qu'il rencontrera un âne qui le conduira jusqu'à la plus laide des princesses et qu'il l'épousera. Alors Shrek part en quête de sa promise, afin de vivre avec elle "affreux pour toujours" !

Le conte y est !

Le long-métrage des studios Dreamworks reprend le nom de Shrek et s'inspire de son schéma, qui prend le contrepied du conte traditionnel tout en restant bel et bien un conte de fées ! En effet,  d'ordinaire, l'ogre y joue le rôle de l'antagoniste mais ici, si Shrek se montre grossier et dégoûtant, il est au fond un gentil et a le cœur tendre. Et s'il s'aime tel qu'il est et adore être un ogre, il lui arrive de souffrir de ne pas être accepté tel qu'il est -ce qui lui fait endosser par anticipation le rôle du méchant qui chasse les visiteurs de chez lui et faut donc de lui un ogre très seul. Mais tout va changer quand il rencontre L'Âne, un âne qui parle et qui ne va plus le lâcher. Sans parler de toutes les créatures enchantées qui s'installent dans son marais lorsqu'elles sont prises en chasse par Lord Farquaad qui ne voit en elles que des "raclures qui empoisonnent [son] monde parfait".

C'est là l'occasion pour les studios de s'en prendre de façon humoristique à de nombreux contes bien connus, et notamment adaptés par les studios Disney -dont Jeffrey Katzenberg est un ancien. On y croise donc les sept nains se faisant embarquer, Peter Pan venant livrer la Fée Clochette et Gepetto abandonnant sa marionnette enchanté, Pinocchio, en échange d'une récompense. Et ça continue chez Shrek lorsque les nains déposent Blanche Neige dans son cercueil de verre sur la table puisqu'il y a "quelqu'un sous la couette" -autrement dit le loup du Petit Chaperon Rouge dans les habits de Mère-Grand... et dehors ? Les trois fées de La Belle au Bois Dormant, le joueur de flûte et ses rats et bien d'autres... Pas question d'héberger tout ce monde-là pour Shrek. Il laisse donc L'Âne le guider jusque chez Farquaad pour réclamer l'éviction des créatures enchantées. Mais Farquaad lui propose un marché... Celui-ci a besoin d'épouser une princesse pour devenir roi. Ainsi, il propose à Shrek d'aller secourir la princesse Fiona pour lui, en échange de quoi il lui rendra son "sublime marais". Toujours accompagné de L'Âne, Shrek se met donc en route... et c'est le début d'une amitié qui va durer !

Amour non courtois...

L'amour courtois est une conception de l'amour qui naît au Moyen Âge et se rencontre notamment dans les récits de chevalerie. La dame y est généralement inaccessible car d'un rang plus élevé que celui qui la courtise -le chevalier est en effet le vassal de son seigneur. Parmi des exemples célèbres, on trouve les histoires de Lancelot et Guenièvre, ou encore de Tristan et Yseult. Chez Shrek, on retrouve la figure du chevalier traditionnel -ou presque- lorsque vêtu d'une armure, du heaume du moins, il affronte le dragon pour secourir la princesse enfermée dans sa tour. La courtoisie en revanche... ne l'a pas accompagné ! Et cela ne vient pas que de l'ogre, mais aussi de la princesse. S'il ne fallait qu'une seule preuve, ce serait sans doute cette scène dans laquelle, pour la première fois, Fiona révèle son tempérament en réclamant justement une déclaration de la part de son sauveur -n'importe quel genre de déclaration : "Nous devons goûter la saveur de ce moment ! Vous pourriez me déclamer quelque poème épique... une balade... un sonnet ! Une contrepèterie... enfin quelque chose !" Bien assez vite, on se rendra compte que Fiona, comme dirait L'Âne, est encore plus dégueu que Shrek ! Comme le dit ce dernier : "Vaut mieux que ce soit dehors que dedans !" 

De plus, si Fiona a attendu d'être secouru dans sa tour, elle n'est en réalité pas une damoiselle sans défense  -ce qu'elle prouve en rétamant Robin des Bois et ses joyeux compagnons ! Et pour cause, le cas de Fiona s'éclaircit lorsqu'une nuit, L'Âne vient la voir et qu'elle se montre sous la forme d'une ogresse. On raccroche ici avec le format du conte : Fiona a été ensorcelée -lorsque le soleil se couche, elle devient une ogresse. Et, comme le veut la tradition : "Un baiser recevra, et ce jour, tu seras belle aux yeux de ton amant".

Nul besoin de préciser que lorsque Lord Farquaad, qui a envoyé Shrek la sauver à sa place, s'en rend compte il n'a plus qu'une idée en tête : la renvoyer dans sa tour. Shrek quant à lui est rassuré car il comprend que la conversation qu'il a surprise entre Fiona et L'Âne était en réalité à propos d'elle-même ("princesse et laideur n'ont rien à faire ensemble") et qu'il a donc encore une chance. C'est donc Shrek qui embrasse Fiona et... elle demeure une ogresse, mais pour autant est "belle aux yeux de son amant". Il est donc temps de célébrer un véritable mariage. Le marais de Shrek est à nouveau plein de monde mais cette fois, il ne les chasse pas, ils font tous la fête ensemble jusqu'à ce que Shrek et Fiona partent en voyage de noces à bord de leur carrosse oignon pour vivre "affreux pour toujours" !

Le saviez-vous ? 

Shrek fut un vif succès et reçu la reconnaissance, à la fois publique et critique, qui devait aller avec en remportant notamment le premier Oscar du meilleur film d'animation, l'emportant entre autres sur Montres et Cie des studios Pixar et Disney.
Shrek a également son étoile sur le Hollywood Walk of Fame ! L'histoire a même été adaptée en comédie musicale et a fait le tour du monde sous cette forme ! Sans oublier les trois suites qui viennent compléter la saga, ainsi que les court-métrages d'Halloween !

Il était un personnage #10 : Ray

Il était une fois

Le personnage de Ray ne trouve ses origines ni dans "Le Prince Grenouille", le conte des frères Grimm, ni dans le roman de E.D. Baker, The Frog Princess, dans lequel l'héroïne est accompagnée d'une chauve-souris et d'un serpent. De plus l'histoire de s'y passe pas dans le bayou près de la Nouvelle Orléans (cf. "La Princesse et la Grenouille (2009)") mais dans un pays imaginaire. Le changement d'environnement explique le changement dans le choix des compagnons de Tiana et Naveen. Un alligator mordu de jazz et une luciole du bayou.

Made in Disney

Ray rencontre Tiana, Naveen et Louis au cœur du bayou à la nuit tombée alors que ces derniers cherchent à se rendre chez Mama Oudi, la sorcière du bayou. Lui et sa famille vont les y guider grâce à leur lumière. Après leur entretien avec Mama Oudi, Tiana et Naveen comprennent que ce dernier doit embrasser une princesse pour les libérer du sortilège qui fait d'eux des grenouilles. Puisque Big Daddy est le roi du carnaval, sa fille Charlotte est une princesse -mais seulement jusqu'à minuit. Ainsi, les deux héros s'en retournent vers la Nouvelle Orléans et Ray quitte le bayou pour les aider, ainsi que Louis.

Arrivés en ville, ils sont confrontés au Dr Facilier, le Maître des Ombres qui doit empêcher que Naveen rompe le sortilège s'il veut que son imposteur épouse Charlotte et lui permette de régler ses dettes avec ses amis de l'au-delà. Tiana réussit à détruire le médaillon envouté qui permet à l'imposteur de prendre l'apparence de Naveen mais le Maître des Ombres aura tout de même réussi à éliminer Ray avant de se faire emmener par ses amis de l'au-delà. Et, entouré de ses amis, Ray s'éteint en admirant son Evangeline illuminer le ciel avant de l'y rejoindre après des funérailles dans le bayou.

Une lumière dans la nuit

Quand on le rencontre, Ray arrive pour guider nos héros à travers le bayou. Bien vite, des centaines de lucioles viennent à leur tour illuminer l'eau de leur douce lumière. Ray est un romantique qui pousse Tiana et Naveen dans les bras l'un de l'autre alors que lui-même se languit d'un amour impossible pour une étoile, Evangeline. Pas sûre cependant que Ray ait perdu la tête en s'éprenant d'une étoile. Après tout, lui même vient éclairer le ciel à ses côtés après sa mort donc peut-être qu'Evangeline était aussi une luciole -et ce n'est pas Timon qui nous dirait le contraire, puisqu'il décrit justement les étoiles comme des lucioles collés sur "cet espèce de grand machin bleu marine" ! Une fois Ray aux côtés d'Evangeline, c'est toutefois à un autre dessin animé que l'on pense : "deuxième étoile à droite et tout droit jusqu'au matin !"

Ce n'est pas souvent qu'on assiste à la mort d'un personnage chez Disney, hormis lorsqu'il s'agit d'un méchant. En général, la mort a lieu hors champ comme c'est le cas pour les mères de Bambi et Rox, par exemple. Mufasa, cependant, est tué sous nos yeux par son frère qui provoque sa chute. Dans le cas de Ray, sa mort interpelle donc à la fois par la surprise qu'elle provoque, mais aussi par sa violence, puisqu'on voit le Maître des Ombres écraser la luciole du pied. Mais pour lui, nous avons au moins la consolation de le voir rejoindre sa bien aimée pour continuer à illuminer la nuit de sa lumière.

Hors-série #3 : Poucelina

Ce long-métrage réalisé par Don Bluth est sorti en 1994. Il est adapté du conte de Hans Christian Andersen, "La Petite Poucette" en français, "Thumbelina" en anglais, publié pour la première fois en 1835. Aussi petite qu'un pouce, elle dort dans une coquille de noix. Une nuit elle est enlevée par un crapaud qui veut la marier à son fils. Dans sa tentative d'évasion, elle est ensuite enlevée par un hanneton, puis se réfugie chez une souris des champs qui lui conseille d'épouser son voisin taupe, ce qui ne plaît guère à la Petite Poucette. Dans sa fuite, elle retrouve l'hirondelle qu'elle avait soignée. Celle-ci la conduit loin , où Poucette rencontre le roi des êtres des fleurs qui fait sa taille et qu'elle épouse. Elle devient ainsi un être des fleurs à son tour et prend le nom de Maia. Don Bluth a quitté les studios Disney mais avec Poucelina, il nous livre un film plein des clichés de films de princesse estampillé Disney.

Quand on est de la taille d'un pouce...

Et bien on beaucoup d'ennuis ! Couchée dans sa coquille de noix, Poucelina y est enfermée et enlevée par une dame crapaud qui veut la marier à l'un de ses trois fils et lui promet une renommée de star. Pendant qu'ils s'absentent, Poucelina parvient à s'enfuir sur sa feuille de nymphéa. A plusieurs reprises, elle croise Jacquimo -c'est d'ailleurs lui qui raconte l'histoire. Mais toutes les créatures que rencontre Poucelina ne sont pas toutes aussi sympathiques. Un scarabée l'amène jusque dans son club pour faire de l'air la le joyau de son Scarabée Show ! Mais quand l'habit d'insecte de Poucelina est défait et que l'assistance se rend compte qu'elle n'est pas l'une des leurs, elle se fait huer.

Seule dans la nature alors que l'hiver approche, Poucelina trouve refuge chez une souris des champs qui va la présenter à son voisin la taupe, M. Miro. Celui-ci fait un marché avec la souris : si elle convainc Poucelina de l'épouser, il fera d'elle une souris riche. Mais, en chemin vers l'autel, Poucelina refuse d'aller jusqu'au bout et prend la fuite. Jacquimo la conduit jusqu'à la Vallée des Fées pour qu'elle y retrouve le prince Cornelius et devienne une fée à son tour. Poucelina  a enfin trouvé sa place dans le monde. Car c'est de cela qu'il s'agit. Poucelina bien qu'aimée par sa mère se sentait seule car elle était la seule de petite taille. C'est pour ça qu'elle se laisse tenter à plusieurs reprises, par la famille crapaud d'abord, le scarabée ensuite et la taupe enfin : elle cherche sa place.

Au fil des saisons

Les saisons rythment le long-métrage. Quand il commence c'est l'été. Le soleil brille haut dans le ciel et Poucelina mène une existence douillette dans la ferme de sa mère. Le soir, seule face au livre de conte, Poucelina rêve de rencontrer des fées, des personnes de sa taille -et arrive Cornelius, le prince des fées, sur son bourdon. Pendant que Cornelius et Poucelina s'abandonnent à chanter leur coup de foudre, les souverains des fées sont en train de répandre les couleurs de l'automne.

Le rythme est si rapide que chaque saison semble ne durer qu'une journée, quelques jours tout au plus ! Déjà, les feuilles s'envolent et le givre s'installe -tant et si bien que Cornelius se retrouve coincé sous la glace, congelé, le retardant dans sa quête pour retrouver Poucelina. Jacquimo assiste à l'arrivée de l'hiver en direct : toutes les feuilles de l'arbre sous lequel il se trouve tombent d'un coup et il se couvre de stalactites en quelques secondes !

Celle-ci passe l'hiver chez la souris des champs, puis Jacquimo la conduit jusque dans la Vallée des Fées où le chant de Poucelina ramène le printemps. Les fleurs s'ouvrent et Poucelina se découvre des ailes. Elle épouse Cornelius et peut enfin vivre entouré de personnes de sa taille !

Le saviez-vous ?

L'acteur Kenneth Mars qui double le roi Colbert, le père de Cornelius, a déjà doublé un autre souverain issu d'un conte d'Andersen. En 1989, il interprète le roi Triton dans La Petite Sirène. Sa collaboratrice Jodi Benson qui interprète Poucelina était quant à elle Ariel !

Il était une héroïne #5 : Aurore

Après Ariel et Belle, plus récentes (1989 et 1991 respectivement), j'en reviens à une princesse de l'ère classique comme Blanche Neige (1937) et Cendrillon (1950), avec Aurore de La Belle au Bois Dormant (1959). Si on ne la voit pas faire le ménage, Aurore "prend cher" de la part des critiques pseudo-féministes (cf. "Pseudo-féminisme envers et contre Disney"). Ils ont exposé leur version des faits, voici la mienne.

Princesse à vendre

La première chose qui semble être reprochée à Aurore est qu'elle est "vendue" à la naissance à un prince... Alors déjà, elle n'est qu'un bébé et c'est donc à ses parents qu'il faudrait reprocher ce mariage arrangé et non à Aurore... Et tant qu'on y est, pour une fois qu'on nous indique la période concernée par l'histoire, il paraît ridicule de le reprocher à Disney. En effet, Philippe mentionne le fait qu'ils sont au XIVème siècle. Or, les mariages de convenance sont alors courants ! De plus, parler de Philippe comme du propriétaire d'Aurore est totalement à côté de la plaque ! Lui aussi n'est qu'un enfant quand cet accord entre les deux royaumes est scellé. Il est donc "victime" de cet arrangement au même titre qu'Aurore. Ainsi, il ne s'agit pas de vendre une femme à un homme, mais de solidifier la position de deux royaumes en les alliant par le mariage des deux héritiers.

Une valse dans les bois

Cependant, on reste dans un conte de fées... vous savez : "il était une fois"... "ils vécurent heureux pour toujours" alors on va faire en sorte que ce mariage arrangé se goupille bien. Ainsi, Aurore et Philippe se rencontrent sans avoir conscience de l'identité de l'autre -et en ce qui concerne Aurore, même de sa propre identité- et paf ! le coup de foudre. Seulement il y a un hic, les trois fées révèlent à Aurore qui elles sont vraiment et elle est : l'héritière du royaume du roi Stéphane et fiancée au prince Philippe -dont elle ne sait pas qu'il s'agit du jeune homme de la forêt. Et pourtant, Aurore ne prend pas la fuite. Elle retourne au palais de ses parents, dignement, prête à remplir le contrat. Elle choisit donc de faire passer la protection de son peuple avant son bonheur personnel -et quand on sait que Maléfique prend toujours son mal en patience sur la Montagne Interdite, on se dit que c'est dans doute la décision la plus sage, et la plus courageuse. Mais finalement, tout est bien qui finit bien puisque Philippe et le jeune homme de la forêt sont une seule et même personne. 

Un baiser d'amour sincère

C'est donc bien l'amour que le dessin animé met en avant et c'est pour ça que comme le veut le vœu de Pimprenelle, le baiser de Philippe réveille Aurore du sortilège de sommeil -et ce n'est pas parce qu'elle lui "appartient", comme semblent le croire certains... Si le fiancé et le jeune homme de la forêt n'étaient pas la même personne, ce serait bien le jeune homme de la forêt qui pourrait la réveiller et non le fiancé !  Et tant que j'y suis, en ce qui concerne les théories de viol... je dois faire un aparté pour mettre les choses au clair. Le dessin animé est adapté du conte de Charles Perrault (1697), c'est ce que dit le générique -même s'il est finalement peut-être plus proche de la version des frères Grimm (1812). Or, on ne peut parler de viol dans aucune de ces versions, pas plus que dans le ballet de Tchaïkovsky : le réveil est toujours dû à un baiser, puis vient un mariage, puis éventuellement des enfants. Non, c'est dans la version un peu plus ancienne de l'Italien Giambattista Basile paru à titre posthume en 1634, "Le Soleil, la Lune et Thalie" qu'il en est question et en fait un conte particulièrement dérangeant puisque l'endormie n'est tirée du sommeil qu'après avoir accouché... répugnant, mais c'est une autre histoire, dont les versions suivantes ont préféré se défaire. 

Le saviez-vous ?

Dans La Belle au Bois Dormant, la parité est inversée : il y a plus de personnages féminins que masculins et la majorité de l'action du film est à leur initiative. Le sortilège de Maléfique, le plan d'action des trois fées -même le sauvetage de Philippe puis d'Aurore leur revient puisqu'elles font tout pour Philippe, il n'a plus qu'à jeter l'épée... easy!